Interview, Novembre 2022
Elisabeth Durand Mirtain, Consultante et Formatrice, répond à nos questions.
Anne-Laure Saliba : Lorsque tu te projettes à l’aire de tes vieux jours, que vois-tu ? Toi, te prélassant au parc, jouant au golf ou encore fais-tu partie de ceux qui se voient toujours en train de travailler ? La poursuite du travail te semble-t-elle tout à fait sensée ? Pourquoi continuer une activité au lieu de se la couler douce sous les cocotiers ?
Elisabeth Durand Mirtain : déjà, j’ai du mal à me projeter dans un arrêt total de travailler. Mon objectif aujourd’hui est d’envisager ce que l’on appelle « la retraite » et de conjuguer vie professionnelle et autres activités ou loisirs (bénévolat, nouvel emploi, sport, voyages ou moments partagés en famille). En effet, rester sur le marché du travail volontairement ou par nécessité, peut s’avérer hautement bénéfique. Le travail constituera une forme de complément à une vie déjà bien remplie.
ALS : Es-tu d’accord avec certaines études qui disent que le travail aide à garder la forme physique tout comme la santé mentale ?
EDM : je vois 2 plans. La santé physique dépend de l’intensité du travail ; même si celui-ci peut contrer certains effets négatifs du vieillissement. Exemple : j’ai bien senti qu’assise derrière l’ordinateur tous les jours en période de confinement avait été néfaste dans ce domaine. Par ailleurs, les déplacements sont également une source de fatigue. Tout dépend du dosage … J’avoue avoir du mal avec ce « dosage » de par mon « hyper activité » (rire). A mon avis, le travail s’il est vécu comme un épanouissement aide à se sentir encore « jeune » et surtout utile et vivant. Une nécessité qui explique la tendance de nombreux seniors à faire du bénévolat à l’âge de la retraite.
ALS : Penses-tu que continuer son activité permet de transmettre ses connaissances et de poursuivre sa quête de réalisation personnelle ? Penses-tu qu’avec le temps, on peut mettre à profit ses compétences et ses connaissances pour aller vers de nouveaux environnements professionnels ?
EDM : il y a un aspect égoïste dans la recherche de l’épanouissement personnel trouvé dans le travail ou à continuer à apprendre et à progresser. Il me semble pourtant que c’est un moyen de rester vif et agile d’esprit. L’envie de conserver une vie sociale et une activité, rémunérée ou non, est souvent le meilleur moyen d’entretenir son réseau et de faire de nouvelles rencontres simples et enrichissantes. La réalisation au travail n’est pas un objectif poursuivi par tous et … ce n’est pas une obligation ! On peut s’épanouir au sein de la famille ou d’amis. L’important est d’être en accord avec ses valeurs et de trouver un sens aux choses.
ALS : Je sais que tu adores être entourée et être socialement active. Tu as passé votre vie à travailler et à évoluer socialement dans ton environnement professionnel. J’imagine que tu ne peux pas imaginer ne pas travailler ? Es-tu d’accord avec le proverbe japonais : « lorsque l’on aime ce que l’on fait on n’a pas l’impression de travailler » ?
EDM : je ne connaissais pas ce proverbe japonais et j’y adhère TOTALEMENT. C’est un luxe de pouvoir faire ce qu’on aime et de choisir. Mon métier m’amène souvent à remarquer le mal-être de personnes dans leur emploi. C’est une grande satisfaction lorsqu’elles me disent que la formation leur a apporté du « punch » et redonné de la motivation. Difficile de rester motivé(e) lorsque le travail est constitué des mêmes routines chaque jour ! S’installe alors un manque d’intérêt et de confiance en soi. Une des solutions que je tente de m’appliquer (et de transmettre) est de redéfinir mes objectifs et de regarder s’ils donnent encore envie
ALS : Que dirais-tu de ces artistes qui n’arrivent pas à quitter la scène ?
EDM : elle est surprenante ta question ! En effet, c’est un récent interview de Michel Sardou qui m’a amenée à réfléchir à ce thème : cesser de travailler et prendre la retraite puisque j’ai l’âge ou continuer… Et comment ? Il y a de nombreux exemples d’artistes, chanteurs ou comédiens, Aznavour, Bouquet, Sardou… Pourquoi ont-ils du mal à quitter la scène annonçant la « dernière tournée » ou « la dernière pièce » ? La question se pose : en dehors de la scène qui sont-ils ? Sans faire une comparaison prétentieuse, je ne me suis jamais demandé « en dehors de ton travail de consultante, qui es-tu ? ». Mes boosters sont : apprendre pour assouvir ma curiosité (saine, je précise !) et avoir des contacts humains et des relations diversifiées. Il paraît que prolonger en permanence les mémoires mentales et gestuelles prolonge la vie du système nerveux. Quant à l’énergie créative, elle tonifie l’organisme.
ALS : Est-ce que l’on peut parler d’une vie à plusieurs dimensions ? Des retraités restés jeunes sont peut-être des précurseurs d’une nouvelle façon d’appréhender son existence ?
EDM : Oui et non. D’une part, la vie a plusieurs dimensions : études, travail, retraite. D’autre part, la vie… C’est la vie dans son ensemble. Si l’allongement de l’espérance de vie apporte un « supplément » d’existence, je l’espère, je ne tiens pas à « tomber » dans le syndrome de la retraitée hyperactive qui ne parvient pas à cesser ou à se désintoxiquer du travail. J’ai pourtant dit « ce sera mon corps qui m’indiquera l’heure du départ à la retraite ». Et puis, je me suis ravisée. En effet, ce serait idiot d’arrêter de travailler dans ces conditions. Puisque je prévois de continuer (rires)
L’IKIGAI : regroupe en réalité plusieurs notions autour de nos vies personnelle et professionnelle. Et parmi ces notions, il y a le fait : 1. d’être compétent pour faire ce que l’on fait, 2. d’aimer ce que l’on fait, la raison pour laquelle on se lève heureux le matin, 3. d’être payé pour faire ce que l’on fait, 4. de comprendre que ce que l’on fait est utile. Le premier niveau de satisfaction quand on travaille est sans doute de se sentir compétent. Se sentir au bon endroit, savoir pourquoi on y est. Sentir qu’on excelle dans ce qu’on fait.